Les Indiens kayapo s'opposent à un vaste projet de barrages
Les Indiens
kayapo mebegokre sont déterminés à empêcher la construction de cinq
barrages le long du fleuve Xingu, en Amazonie. Deux cents Kayapo se
sont récemment réunis pour discuter de ce projet qui, selon eux, aura
un impact dévastateur sur l'environnement et inondera une grande partie
de leurs terres.
De nombreux Kayapo ont manifesté leur préoccupation et leur colère du
fait que le gouvernement et la compagnie d'électricité Eletronorte
soient restés silencieux sur ce projet et qu'ils aient bafoué la
Constitution brésilienne en ne consultant pas les communautés qui
seraient touchées si ce projet voyait le jour.
En 1989, les Kayapo avaient organisé une très grande réunion à Altamira
pour protester contre un projet similaire. Ils réussirent à stopper la
construction de barrages en attirant l'attention des médias du monde
entier et en recevant un très large soutien international.
Confrontés de nouveau à un scénario identique, les Kayapo mettent en
place des alliances locales et régionales. L'organisateur de la
rencontre, Megaron Txukarramae, a déclaré : Nous appelons tous
les habitants de la vallée du Xingu à nous rejoindre dans une
manifestation d'envergure à Altamira pour protester contre le barrage
de Belo Monte et tous les autres que Eletronorte a l'intention de
construire dans la vallée et pour exiger la protection et le
développement de nos propres sources de production, de nos cultures et
de nos communautés'.
Déclaration des Kapayó mebegokre lors de la rencontre à Piaraçu, Mato Grosso.Les représentants kayapó
Deux cents représentants de 19 des 21 communautés mebegokre (Kayapó) se
sont rencontrés durant cinq jours, du 28 mars au 1er avril, dans le
village de Piaraçu. Le thème majeur des discussions concernait le
projet du gouvernement brésilien de construction du barrage de Belo
Monte ainsi que quatre autres barrages hydroélectriques sur le Xingu et
l'Iriri, son principal affluent.
Les participants à cette rencontre étaient unanimement opposés à la
construction de ces barrages, alléguant que ceux-ci auraient des effets
dévastateurs sur l'écosystème et que de vastes étendues du territoire
indigène seraient inondées. En introduction à leur prise de parole
plusieurs intervenants ont entonné leurs propres chants de guerre, et
ont annoncé que le gouvernement s'engagerait dans une guerre avec les
Kapayó s'il persistait dans son projet de construction du barrage de
Belo Monte. Ils ont également dénoncé le fait que Eletronorte et le
président Lula da Silva n'ont jamais présenté le projet dans son
intégralité, faisant remarquer que, lors des présentations publiques,
il était toujours uniquement question du barrage de Belo Monte alors
que le projet intégral comporte en tout cinq barrages gigantesques.
Les intervenants ont tous relevé le fait que Eletronorte et le
président Lula ne sont jamais venus rencontrer les communautés kayapó,
ni celles d'autres régions, pour expliquer leurs projets ouvertement et
en détail. Ils n'ont pas non plus ouvert aux Kayapó les discussions au
Congrès national. Eletronorte et le président violent ainsi la
législation nationale selon laquelle tout projet de développement
impliquant de potentiels dommages aux territoires indigènes doit être
examiné de concert avec les communautés concernées et que celles-ci
devraient avoir la possibilité d'en discuter au niveau du Congrès.
Outre leur ferme opposition aux barrages, les représentants des
communautés riveraines du Xingu ont mis en cause la pollution
croissante du fleuve, résultat des activités agricoles telles que la
culture intensive du soja ou l'élevage à proximité de ses affluents.
Ils ont exigé que l'État réglemente ces activités afin d'éviter la
destruction des écosystèmes riverains.
L'insécurité des limites des territoires que l'État a déjà légalement
reconnus en tant que réserves kapayó constituait le second thème
principal des discussions. En effet, les territoires attribués aux
Kapayó sont actuellement envahis à une fréquence inégalée et, selon les
témoignages de bon nombre de participants, la Fondation nationale de
l'Indien (FUNAI) ne traite pas la crise de manière efficace.
Les représentants des communautés ont exigé que les organes
responsables du gouvernement -Fondation nationale de l'Indien,
ministère de la Justice, police fédérale et police d'État – leur
donnent une réponse plus adaptée à la situation. Conjointement à cette
demande ils ont fait part des mesures qu'eux-mêmes prenaient pour
résoudre le problème. La plus importante à cet effet consiste en
l'instauration de postes de garde le long des limites des réserves
kayapó. Chaque communauté s'est portée responsable de la section de
frontière qui longe son territoire. Dans le but d'assumer cette
responsabilité, les communautés ont établi des postes de garde aux
points stratégiques tout au long de leurs frontières, assignant des
membres de la communauté à ces postes, en patrouille ou en garde. Selon
les intervenants, on compte désormais plus de 60 de ces postes, chacun
avec un responsable attitré.
Le troisième thème principal de cette rencontre était la promotion de
projets portant sur l'exploitation communautaire de produits
forestiers. Dans de tels projets, les activités productives et pérennes
s'efforcent de prendre la place des activités d'extraction non durables
présentées comme sources de revenus pour la communauté – comme par
exemple l'exploitation du bois ou l'extraction de l'or. Les communautés
sont doublement motivées car, d'une part, elles ont conscience qu'il
est important de protéger leur environnement naturel en ayant recours à
des formes durables de production, et d'autre part elles voient qu'il
est urgent de créer des points d'occupation et d'utilisation des
ressources forestières le long des frontières des réserves menacées par
les envahisseurs.
Les nouveaux postes de garde remplissent donc le double rôle de centres
d'exploitation des ressources forestières – comme par exemple la noix
du Brésil, à la fois sous sa forme naturelle et sous forme de produit
transformé puisque des pressoirs ont déjà été installés dans quatre
villages, ou encore le cupuaçu, la copaïba, la résine, le bacaba, le
cacao, le genipapo, le jaborandi et le miel (ce dernier étant soutenu
par un excellent projet de la Fondation nationale de l'Indien).
Plusieurs villages produisent également les récoltes courantes en
agriculture, telles que le riz, les haricots, le manioc et la banane,
pour les marchés régionaux. Grâce à ces activités, un mouvement général
s'est déployé, tournant le dos aux contrats avec les exploitants
brésiliens (miniers et forestiers) qui, dans les années 1980 et au
début des années 1990, ont joué un rôle prédominant dans l'économie
kapayó. Presque toutes les communautés kayapó s'en sont détournées ; il
ne reste plus que de rares exceptions impliquant des sous-groupes dans
quelques communautés.
Megaron Txukarramãe, l'organisateur de la rencontre, a déclaré : Nous,
les Kapayó Mebegokre, sommes conscients que les problèmes qui menacent
la vie de nos communautés de la vallée du Xingu mettent également en
danger la vie des autres peuples, indigènes et brésiliens, qui vivent
aussi dans la vallée. La solution à ces problèmes – et donc, la réelle
protection de notre fleuve et de notre forêt – fait partie d'une lutte
commune, et c'est la même pour nous que pour tous les autres habitants
de la vallée.
Il y a dix-huit mois, à Piaraçu, pour décider d'un front commun contre
ces menaces nous avons déjà rencontré les peuples indigènes du haut,
moyen et bas-Xingu. Maintenant, pour faire suite aux conclusions
prometteuses de la rencontre de toutes nos communautés indigènes nous
passons à l'étape suivante de notre lutte : nous prenons contact avec
les organisations de colons nationaux brésiliens du bas-Xingu et de la
Transamazonienne pour créer une alliance regroupant tous les habitants
de la vallée du Xingu afin de sauver notre fleuve des barrages, de la
pollution, et de tout développement destructeur, et également pour
encourager les alternatives de productions reposant sur les compétences
productives des communautés locales qui ont recours aux ressources
durables.
Nous appelons tous les habitants de la vallée du Xingu à nous
rejoindre dans une manifestation d'envergure à Altamira pour protester
contre le barrage de Belo Monte et tous les autres que Eletronorte a
l'intention de construire dans la vallée et pour exiger la protection
et le développement de nos propres sources de production, de nos
cultures et de nos communautés'.
Colideer, Mato Grosso, Brésil, le 4 avril 2006
Les frais de transport et d'hébergement ont été pris en charge par
Conservation International, Wild Foundation, Moore Foundation et la
Funai (Fondation nationale de l'Indien).
Texte préparé par Terence Turner, Megaron Txukarramae et Luis Carlos Sampaio