Le portrait d'une culture est la représentation des idées qui ont le plus d'importance pour un peuple. La hiérarchie des priorités se nomme échelle des valeurs; la culture est donc, fondamentalement, affaire de valeurs.
Si l'on veut comprendre les valeurs qui ont motivé un peuple dans ses rapports avec un autre peuple ou une autre civilisation, il est essentiel de saisir les valeurs respectives des nations en présence. Ainsi deviennent possibles un respect des motifs et une reconnaissance de la dignité de ces peuples. Bruce G. Trigger affirme:
Les différences entre les sociétés de grande et de petite taille sont suffisamment importantes pour empêcher l'expérience et le jugement personnel d'un historien de comprendre, sans autre aide, les idées et les valeurs qui faisaient partie du mode de vie de l'Amérindien avant la venue des Européens. A moins que l'historien ne soit capable d'obtenir autrement une connaissance suffisante des croyances et des valeurs des gens qu'il étudie, il ne peut évaluer les sources européennes qui constituent les principaux témoignages que nous ayons au sujet de ces peuples. N'ayant pas cette connaissance, il lui est également impossible de transcender les préjugés et les limitations de ses sources et de les évaluer avec la rigueur nécessaire au traitement de tout matériel écrit. C'est précisément parce que la plupart des historiens n'ont pas cette connaissance que l'amérindien ne prend pas vie dans leurs écrits, peu importe l'honnêteté ou la sympathie de l'historien à leur égard. Le dilemme de l'historien est donc l'inexistence d'une technique qui lui permettrait de comprendre les façons de voir de l'Amérindien, même s'il n'a pas laissé d'archives écrites. (Les enfants d'Aataensic. cf Sur le dos de la Tortue N°15)
Ce chapitre vise à faire comprendre la perception des sociétés amérindiennes quant aux moyens qui ont traditionnellement permis leur survivance culturelle, dans le double but d'infirmer les thèses au sujet de leur disparition inévitable et de faire découvrir que la tradition amérindienne, orale et écrite, peut inspirer la création de nouvelles techniques et pallier l'absence "d'archives écrites". Comme le suggère Trigger, l'imposant bagage de mythes et de préjugés de l'historien euro-américain moyen l'empêche de voir en l'Amérindien moderne, un "autrement" où, loin d'un, laboratoire de papiers, il pourrait imaginer les formules susceptibles de faire de l'ethno-histoire (méthode interdisciplinaire relative à l'histoire des "ethnies") une science sociale majeure.