Les Micmacs
Les Micmacs ou plus rarement Micmaques en français (Mi’kmaq / Mi’gmaq en micmac) sont un peuple amérindien de la côte nord-est d'Amérique, faisant partie des peuples algonquiens. On les appelait aussi « Tarrantins » au XVIIe siècle. Il y a aujourd'hui vingt-huit groupes distincts de cette ethnie au Canada, et un seul groupe ethnique, la « tribu d’Aroostock », aux États-Unis. L'habitat d'origine des Micmacs comprenait les provinces maritimes du Canada, à savoir : la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard, une partie du Nouveau-Brunswick et la péninsule de Gaspésie au Québec.
Leur territoire :
Au XVIe siècle, les Micmacs occupaient l'ensemble du pays au sud et à l'est de l’embouchure du Fleuve Saint-Laurent, qui comprend les provinces maritimes du Canada et la Gaspésie. Ces terres de plaine étaient alors densément boisées, parsemées de nombreux lacs et de rivières qui se déversaient dans de profonds golfes tout le long de la côte. Les hivers y sont rigoureux et les étés courts se prêtent peu aux cultures de légumes et de céréales. Mais le réseau des rivières permettait de traverser rapidement le pays en canoë et, en rapprochant les habitants, contribua à la formation d'une identité ethnique forte, regroupant à peu près 10 000 individus.
Le peuple s'appelait lui-même « Elnou », ce qui signifie « Hommes », et devait défendre son territoire contre d'autres tribus. Ainsi les Micmacs disputèrent-ils la possession de la presqu'île de Gaspé aux Iroquois du Saint-Laurent puis par la suite aux Mohawks, tandis qu'ils devaient surveiller les marches méridionales de leur territoire, en particulier la vallée du fleuve Saint-Jean au Nouveau-Brunswick, des incursions des Malécites et des Pentagouets. Les chasseurs Micmacs occupèrent occasionnellement l’Île d'Anticosti et touchèrent même les côtes du Labrador, où ils affrontèrent les Inuits. La colonisation de Terre-Neuve marqua le début de l'extinction des tribus Béothuks, dans laquelle les Micmacs jouèrent un rôle décisif[2].
Aujourd’hui, les Micmacs peuplent le territoire québécois, néo-brunswickois, néo-écossais, prince-édouardien et terre-neuvien. Au Québec, leur territoire est surtout situé dans la Gaspésie à la hauteur de la baie des Chaleurs. Il vivent dans trois communautés comme Listuguj, Gesgapegiag et celle de Gespeg.
Le pays des Micmacs était divisé en sept territoires, qui correspondaient à des zones de chasse exclusives où chaque tribu campait et chassait le printemps et l'été. Certaines tribus possédaient un insigne caractéristique : ainsi le saumon était l'emblème des Micmacs Listuguj dans la vallée de la Ristigouche et à l'entour de la Baie des Chaleurs, tandis qu'une silhouette de guerrier armé d'une lance et d'un arc était l'emblème des Micmacs Miramichi.
Les Micmacs formaient l’ethnie dominante dans les provinces maritimes du Canada, et l'on présume qu'ils ont pu s'aventurer plus au Nord avant le XVIe siècle. Le climat ne leur permettant pas d'y entreprendre des cultures, ils vivaient de chasse et de pêche, complétées par la récolte d'herbes et de racines sauvages.
Mode de vie :
L'année s'ouvrait traditionnellement sur le gel des fleuves. Les hivers, très froids, s'accompagnaient de gel et de neige, provoquant l'hibernation des ours. Les Micmacs se regroupaient alors en petits groupes de chasseurs répartis à travers le territoire, réduisant les échanges à l'intérieur de la nation au minimum. Au cœur de l'hiver, les chasseurs finissaient par se regrouper en petits villages. Au printemps on confectionnait le sirop d'érable[3] et l'été donnait l'occasion d'entreprendre d'éphémères cultures, mais l'essentiel de la subsistance en cette saison était assuré par la pêche et la récolte des fruits de mer. La chasse de l’orignal et du caribou ne reprenait qu'avec l'automne, et avec l'apparition des premières neiges, ces ruminants étaient plus faciles à traquer. Les Micmacs se servaient de leur peau pour confectionner bottes de neige, traîneaux et luges (le mot « toboggan » vient du dialecte micmac et signifie à proprement parler « luge »).
Selon le missionnaire Pierre Biard, chaque mois correspondait à la chasse d'une espèce particulière :
la chasse aux phoques avait lieu en janvier.
de février à mi-mars on chassait le castor, la loutre, l’orignal, l’ours et le caribou.
Les alevins apparaissaient vers la mi-mars.
On pouvait pêcher du hareng à partir de la fin avril ; vers la même époque, on trouvait des outardes (en particulier la bernache du Canada), l'esturgeon et le saumon ; puis dans les îles venait le temps de la récolte des œufs d'oiseaux migrateurs.
du mois de mai à la mi-septembre, la nourriture se diversifiait, avec toutes sortes de poissons et de coquillages, et surtout le retour du cabillaud le long des côtes.
Le mois de septembre voyait la ponte des anguilles.
En octobre et novembre, la chasse au castor reprenait.
En décembre ils pêchaient un poisson appelé ponamo, qui vivait sous la glace.
Chaque foyer s'étendait fréquemment au-delà de la cellule familiale : la pratique de la polygynie et le régime des fiançailles, par lequel le fiancé se mettait pour deux ou trois années au service de son futur beau-père, contribuaient à cette situation. Les récits qui nous ont été transmis évoquent des groupes de chasseurs de deux à trois hommes, car certaines techniques de chasse et de pêche requéraient un travail d’équipe. On demandait parfois aux femmes de transporter le gibier au camp après qu'il eut été chargé sur un gros traîneau. Elles pouvaient également aider au pagayage des canoës pour la pêche. Un ou deux auxiliaires munis de bottes de fourrures et de lances ou javelots à pointes de silex étaient parfois nécessaires pour débusquer un gros animal. Cela valait aussi bien pour le harponnage des caribous que pour débusquer des castors de leur propre terrier.
Les Micmacs étaient de grands constructeurs de canoës. Leurs embarcations, longues de 2,50 m à 3 m, étaient faites d'écorce de bouleau, et étaient suffisamment larges pour pouvoir embarquer tout un foyer de cinq à six individus, avec les chiens, les sacs, les fourrures, un chaudron et d'autres ustensiles parfois encombrants. Les Micmacs s'aventuraient parfois même en mer avec un canoë qu'ils munissaient d'une voile.
Comme la plupart des autres nations amérindiennes des forêts du nord-est, la culture des Micmacs s'est plus ou moins adaptée après l'arrivée des Européens, tant par l'influence des missionnaires, que par le développement du commerce des peaux ou les tensions nées du conflit franco-britannique.
Alimentation :
Outre le poisson et la viande, les Micmacs se nourrissaient de toutes sortes de fruits secs, de légumes et de baies sauvages qu'ils pilaient puis faisaient sécher pour en faire des galettes rondes. Il reste que l'essentiel de leur alimentation reposait sur la chair animale, consommée crue ou fumée. Le gras était soigneusement récupéré en le faisant fondre ou en le séparant à l'aide d'une pierre suffisamment chauffée, puis on le transvasait dans une enveloppe faite d'écorce de bouleau ou on le mélangeait de bile animale pour sa conservation. Le poisson et les anguilles étaient rôties à la broche. Le poisson était servi en plat ou en tourte dans de grands bacs de bois qu'on découpait dans le tronc d'arbres morts.
Le pain était inconnu des Micmacs. Lorsque les colons français leur en montrèrent la préparation, ils adoptèrent la pratique de le cuire dans le sable sous le foyer. Ils échangeaient volontiers leurs fourrures contre des ustensiles en métal, des pois secs, des fèves et des prunes.
Armes, outils et techniques de chasse :
Pour la chasse, les Micmacs se servaient de javelots, de lances et d’arcs, mais aussi de pièges et de frondes. Ils se servaient de chiens pour pister le gibier. Le camouflage permettait de s’approcher des orignaux, qu’on attirait en période de rut en imitant le brâme des femelles.
Les Micmacs chassaient le saumon à l'aide de harpons munis de pointes recourbées. Les autres espèces, comme la morue, la truite et l’éperlan étaient harponnées ou attrapées au filet. Une autre technique consistait à retenir les poissons par des barrages, qui piégeaient les prises à la base des digues.
Avant le contact avec les Européens, les matières premières pour la fabrication des outils étaient le bois, la pierre, les os, coques et ligaments d’animaux ou de coquillages, matériaux qui disparurent bientôt au profit des métaux, tout comme les javelots et les arcs furent remplacés par des mousquets. Les pots et vases que les femmes micmaques fabriquaient avec de l’écorce de bouleau et du bois étaient décorés avec beaucoup de soin et ornés d’épines de porc-épic. Ces femmes étaient aussi très habiles pour tresser des corbeilles avec des branches d’épinette.
Habitat :
Le wigwam conique des Micmacs était constitué d'un treillis de bois couvert d'écorces de bouleau, de peaux, de draps cousus et de branches de sapins. Il pouvait abriter 10 à 12 personnes et était utilisé surtout l'hiver. L'été, on montait un wigwam plus vaste, fait pour recevoir de 20 à 24 individus. Le centre était toujours destiné au foyer , surplombé d'une ouverture pour l'évacuation des fumées et le tirage, et à l'extérieur on suspendait outils et ustensiles. Le sol était couvert de feuillages, sur lesquels on étalait des peaux d'animaux pour dormir. Les campements d'hiver comprenaient un ou plusieurs wigwams implantés sur le domaine de chasse de la tribu, le plus souvent près d'un point d'eau utilisable. En cas d'extrême nécessité, un simple canoë retourné procurait un abri suffisant aux chasseurs pour allumer un feu. Les missionnaires français engagèrent les Micmacs à édifier des chapelles, des églises et des maisons où ils pourraient vivre en permanence ; cependant, beaucoup d'entre eux devaient conserver leur mode de vie nomade jusqu'au XIXe siècle.
Habillement et parure :
Hommes et femmes se couvraient d'habits à franges en peau de caribou. Les hommes portaient un pagne de cuir sous leurs braies, tandis que les femmes maintenaient leur tunique par une double ceinture. Braies et mocassins étaient confectionnés à partir de peau d'orignal ou de caribou et comportaient des lacets de cuir ou de fil. Les cheveux se portaient longs chez les deux sexes. On trouvait deux types de bottes pour marcher dans la neige : les plus grandes étaient utilisées pour la neige poudreuse, les plus petites pour la neige compacte et durcie. Lors des premiers contacts avec les Européens, les individus des deux sexes allaient nue-tête, mais bientôt ils adoptèrent le bonnet, fait de fourrure ou d'écorce, qui permettait d'établir une distinction selon le sexe et le rang social. Le chapeau bleu foncé haut et pointu des femmes, couvert de perles et orné de tissus, n'apparut que plus tard encore.
Organisation socio–politique :
Au plan politique, les Micmacs formaient une confédération lâche de tribus isolées, ligue de clans à filiation patrilinéaire et de chefferies locales. Le plus souvent, les membres d'une tribu se partageaient le territoire et ne se retrouvaient que lors des rassemblements estivaux ou pour partir sur le sentier de la guerre.
Jusqu'à ce qu'il soit marié, aucun homme ne pouvait avoir de chien et il devait abandonner entièrement le produit de sa chasse au sachem ou au chef de famille. Lorsqu'ils quittaient leur tribu pour une durée tant soit peu importante, ils ne pouvaient la rejoindre qu'avec des présents. Un individu, voire une famille, pouvait fort bien (quoiqu'avec une certaine mauvaise conscience) rejoindre une autre tribu.
Les sachems devaient éprouver leur autorité par des performances particulières. À la fin du XVIIe siècle, les colons Français ont observé que les chefs assignaient aux familles leur territoire de chasse respectif, et déterminaient leur part dans le revenu tiré des peaux et fourrures. Plusieurs sachems surent tirer parti de leur connaissance du français pour intercéder auprès des colons et en tirer certains avantages.