Aunée
En provenance d'Europe et peut-être introduite, il y a fort longtemps, par Louis Hébert - premier apothicaire à exercer son métier en Amérique du Nord et à cultiver les plantes médicinales dont les colons avaient besoin pour se soigner - l'aunée ne s'est guère répandue chez nous tandis qu'aux États-Unis, elle s'acclimatait le long de la côte et dans les États du centre. Grande, forte et belle, elle peut atteindre, dans ses meilleurs moments, trois mètres de haut, quoiqu'elle se contente généralement du mètre, mètre et demi.
Helenium viendrait de Hélène, par allusion à la légende qui veut que la plante soit née d'une larme d'Hélène, l'hellénique fille de Zeus et de Léda, dont l'enlèvement, affirme-t-on, provoqua la guerre de Troie. Mais, on le sait, rien n'est jamais simple en matière de terminologie botanique. Ainsi « aunée » viendrait de l'ancien français « eaune », emprunté au latin populaire elena, lequel est une modification (par influence du nom propre Helena) du latin Helenium, emprunté au grec helenion. « Inule », « aunée », de même que le nom anglais elecampane (contraction de Enula campana, autre nom latin qu'on a attribué à la plante dans le passé), tous ces mots renvoient au helenium latin ou au helenion grec. En plus d'avoir l'impression de tourner en rond, on se retrouve en pleine confusion étant donné qu'il existe une autre plante portant ce nom, soit l'Helenium autumnale, qui appartient à la même famille et dont on attribue également l'origine à la célèbre demi-déesse grecque. Et pour arranger les choses, les soeurs de la Providence indiquent que la plante a déjà porté un autre nom latin, Gorvisartia helenium, dont je n'ai trouvé nulle trace dans les manuels de botanique moderne.
Le nom vernaculaire d'« oeil de cheval » renvoie probablement au fait qu'on l'a longtemps utilisée pour soigner les chevaux, bien qu'il ne s'agissait pas de maladies oculaires, mais pulmonaires. Qu'elle puisse aussi s'appeler « Plante à escarres » et « panacée de Chiron », on comprend - chacun sait que Chiron était un centaure médecin, n'est-ce pas? -, mais le nom de « lionne »? S'agit-il d'une simple déformation phonétique? Mes sources restent coites à cet égard. Quant au sens d'« aromate germanique », on suppose qu'il relève d'un usage assez important de la plante en Allemagne.
L'aunée produit un gros rhizome fortement aromatique qui se mange après l'avoir fait cuire dans plusieurs eaux, histoire d'atténuer un peu sa saveur. On peut le râper pour parfumer salades de fruits, gâteaux, desserts ou liqueurs. Où, on peut le couper en morceaux et le confire dans un sirop de sucre. Ainsi préparé, il est censé faciliter la digestion. Les belles fleurs jaunes peuvent être employées en garniture dans divers plats. Les jeunes feuilles encore tendres se mangent après avoir cuit dans l'eau. Mais puisque les fêtes s'en viennent, pourquoi ne pas renouer avec la tradition et préparer un fabuleux gâteau aux herbes et aux fruits confits? Voyez notre recette dans Documents associés.
Selon le docteur Jean Valnet, l'aunée est une des plantes les plus précieuses. Antiseptique calmant, asséchant des voies respiratoires, elle a servi à soigner tout ce qui s'appelle bronchite, toux, tuberculose pulmonaire, asthme bronchique, quoiqu'elle ne serait pas tellement efficace pour l'asthme ordinaire. Tonique, diurétique, diaphorétique, emménagogue, elle a également soigné les néphrites, l'anémie, la fatigue générale, les règles douloureuses ou l'absence de règles, les pertes blanches, les parasites intestinaux, la diarrhée, la goutte ainsi que, par voie externe, les dermatoses, les prurits, les ulcères, les escarres et la trachéite. Riche en inuline, un sucre non assimilable, elle serait utile aux diabétiques, tout comme, d'ailleurs, les autres plantes de la famille des composées qui en renferment. La chicorée sauvage, ou barbe-de-capucin, notamment.
On prend l'aunée sous forme de décoction à raison de 10 à 20 g par litre d'eau; une tasse avant chaque repas. Ou sous forme de teinture à raison de 15 à 20 gouttes, quatre à cinq fois par jour. Séchée et réduite en poudre, la racine peut se prendre telle qu'elle à raison de 2 à 10 g dans un liquide quelconque, une tasse de bouillon de poulet, par exemple.
Si vous avez eu la bonne idée de faire sécher du millepertuis et du lierre terrestre en saison, vous pourrez préparer une potion destinée à soigner les bronchites et la toux qui risquent de se manifester durant l'hiver, en mélangeant les trois plantes à parts égales et en infusant le tout dix minutes à raison d'une cuillère à thé par tasse d'eau. Prenez trois tasses par jour, avant ou après les repas.
Pour soigner les maladies cutanées, particulièrement les prurits, on lave la partie atteinte avec une décoction préparée à raison de 30 g par litre d'eau.
En Chine, on se sert des fleurs de l'Inula japonica pour soigner l'asthme et la bronchite accompagnée d'un trop-plein de mucus, ainsi que les vomissements et le reflux acide.
On la trouve où?Occasionnellement dans les environs de Montréal et de Québec, ou en Gaspésie. Elle préfère les lieux humides. Si vous n'en trouvez pas, vous pouvez la cultiver. Vous avez le choix entre la variété ordinaire, bien adaptée à nos climats, et Goliath, une variété à grosses fleurs spectaculaires, qui est toutefois moins rustique et, par conséquent, nécessite une protection de paille ou de feuilles mortes durant l'hiver.